28 septembre 2006

Le plein emploi est le pire ennemi des profits financiers (bis)!

De retour de congés, j'ai découvert sur un blog un petit article qui va me permettre de vous montrer que les "traders boursiers" dans les salles de marché ne pensent décidément pas comme le commun des mortels. En revanche, il semblerait bien que leur raisonnement soit quelque peu influencé par une logique NAIRUesque... Au risque de passer pour des fantaisistes au yeux d'Edwy Plenel? (voir mes billets du 19 Mai et du 28 Mai 2006).

L'article en question, tout d'abord, avec les réactions des lecteurs, est consultable ici:

http://20six.fr/aurelianobuendia/art/1295950

L'auteur réalise en fait un décryptage autour d'un évènement ponctuel qui l'a quelque peu surprise, à savoir l'évolution du CAC40 le 4 août 2006 à 15h.

Je cite:
Vous voyez le boost à 14h25 ? il intervient 5 minutes après la publication de chiffres moins bons que prévus sur le nombre d'emplois créés (NDLR, aux USA)!!!
Et je vous assure que je ne délire pas, ça donne ce genre de truc dans les depêches AFP :
"Après cette publication, le CAC 40 a nettement accéléré, une "réaction logique" selon un courtier: "ces mauvais chiffres pourraient inciter la Fed à ne plus augmenter ses taux", expliquait-il."

Et elle ajoute: On apprécie la "logique" de la réaction...

La logique de certains (et en particulier la logique dominante) n'est pas toujours la logique du sens commun. Elle n'en reste pas moins une logique et non une aberration pontuelle.

Les lecteurs les plus assidus de mon blog et de mes sites se rappelleront une autre citation d'un Stratégiste financier reprise dans ma page Citations-Ils ont dit http://lenairu.free.fr/pages/citationspag.html

27 MAI 2005, 12h59, France Info, La Bourse:

Le chef stratégiste de chez VP finance, François Chevalier, alors qu'on l'interroge sur les perspectives boursières dans les mois à venir, répond : " Le pire ennemi des profits financiers c'est le plein emploi [...] or, nous sommes loin du plein emploi".

Voilà qui est clairement dit et montre pour le moins une certaine similitude avec la logique boursière du 4 Août 2006 à 14h25!

Je ne peux que vous rappeler par ailleurs ce que j'écrivais dans mon article du 26 Octobre 2005, intitulé: Finance, chômage et modes de pensée dominants...


Pour poursuivre cette petite escapade au sein de la finance, je me dois de préciser que l'observation de ce milieu m'a amené progressivement à me rendre compte que les logiques de raisonnement induites par le NAIRU étaient belles et bien présentes dans les salles de marchés et les explications des commentateurs financiers de tous horizons. Ce qui me conduisit, à une période où mon intérêt pour l'étrange animal était encore incertain et plein de questionnements, à me rendre à l'évidence: le dogme du NAIRU semblait avoir pénétré ces milieux...

Dans un essai de sociologie des milieux financiers, intitulé "Les traders" (La découverte/Poche), Olivier Godechot nous décrit l'univers de la "salle des marchés" d'une grande banque française (qu'il appelle la Compagnie Universelle) et réalise un certain nombre d'enquêtes et d'observations de terrain. On trouve dans son livre, p.212 à 214, un passage fort intéressant qui se rapporte étroitement à notre sujet. Son but étant de mettre en évidence quels sont les types de raisonnements économiques qui sont majoritairement adoptés par les opérateurs boursiers pour orienter leurs décisions, il essaie de déterminer lequel des deux sytèmes de pensée économique semble dominer l'autre: l'approche keynésienne (hétérodoxe) ou l'approche dite néoclassique d'inspiration monétariste. Mais ce qui nous intéresse encore plus, c'est que pour cerner la réponse, il choisit deux questions censées être centrales pour départager les opinions, car omniprésentes en pratique dans les milieux boursiers. Et bien sûr, l'une des ces questions porte, vous l'aurez deviné, sur le trio "chômage-profits financiers-cours de bourse"!


Après avoir rappelé, p.212, le principe de la courbe de Philips et de la relation inverse entre chômage et inflation, il nous livre les résultats de son enquête.
A la question


"Une baisse du chômage aux Etats-Unis signifie t-elle pour vous",


*une hausse des salaires, donc du taux d'inflation, donc du taux d'intérêt, donc une baisse des cours des actions


*une hausse de la consommation, donc des profits, donc une hausse des cours


45% des opérateurs interrogés optent pour la première réponse!


Seuls 29% choississent la seconde, qui pourtant dans les faits fut observée aux Etats Unis dans la période récente (faible inflation officielle, faible chômage officiel lui aussi...)

Je complète ainsi ma conclusion de l'époque:


Ainsi, la réponse faite par le chef stratégiste interrogé sur France Info n'est-elle pas un avis personnel à caractère exotique. Il en est de même du comportement boursier du 4 Août 2006 à 14h25, ainsi que des analyses qui ont suivi. Ce sont là des révélateurs tangibles et évidents d'un schéma de pensée dominante ayant cours dans ces milieux. Il reflète comment le dogme économique actuel est empreint "d'évidences" pour certains milieux qui orientent aujourd'hui le sens d'évolution de nos sociétés.

Fantaisiste le NAIRU, mon cher Edwy?

Guillaume de Baskerville

Visitez aussi mes autres sites:
http://lenairu.free.fr

http://linflation.free.fr

Comments:
Non, pas fantaisiste du tout.
Mais je me pose une question. Est-ce que les candidats à la présidentielle vont se décider à parler des moyens de lutter contre le chômage. A moins qu'ils se disent: "depuis le temps, les Français ont compris, ils ont intégré les logique nairu"
C'est ce qu'ils me disent, les candidats à la présidentielle, sinon, comment expliquer qu'aucun ne parle des moyens de lutter contre le chômage?
 
Mais écoutez bien mon cher Eric, ils en parlent. Ils ne font même que cela, ces derniers temps. Car en gros l'idée du discours dominant actuel, c'est de lutter contre les chômeurs pour lutter contre le chômage! Génial non? Une vieille idée ça, il faut dire, que d'attribuer la responsabilité de la pauvreté... aux pauvres! Malthus is back.

Ce qui est drôle, c'est que si ce sont les chômeurs qui créent le chômage, on se demande qui a bien pu créer les chômeurs! En particulier entre 1967 et 1997, eux qui n'étaient que 250 000 en 67 et se sont apparemment ensuite reproduits en captivité par génération spontanée et endogène (ou par malédiction ou grâce divine?) pour atteindre... 3 700 000 en 1997 (et encore, officiellement)!

Je rappelle à toutes fins utiles ici les phrases suivantes extraites du documentaire de Gilles Balbastre "Le chomage a une histoire", prononcées en 67 par Pompidou et un certain Chirac (déjà!)(voir la page de mon site ici:
http://lenairu.free.fr/pages/ressources_audiopag.html )

Georges Pompidou (1967):
"Dans le passé récent, nous ne connaissions pas le chômage, sauf en période de crise internationale généralisée, parce que nous n'étions pas une société industrielle moderne. Nous sommes devenus une société industrielle moderne; nous sommes surtout en train de le devenir. [...] Et par conséquent, nous devons considérer l'emploi comme un problème permanent. En permanence il y aura en France un problème de l'emploi. [...] Nous serons donc en risque permanent, et le gouvernement en est parfaitement conscient. Son rôle est de diminuer ces risques parfois, mais son rôle n'est certainement pas d'inviter les gens à la paresse en leur créant de nouvelles protections".

Jacques Chirac (1967):
"[...] l'évolution démographique, l'évolution technologique et l'évolution économique, et notamment l'ouverture des frontières, ont conduit le gouvernement à penser que le nombre de demandeurs d'emplois était susceptible de s'accroître TOUT NATURELLEMENT (!) dans le cadre des mutations de notre société industrielle dans les années à venir."

On peut raisonnablement lire là l'acte de naissance délibéré (et anticipé!) du chômage de masse des décennies qui ont suivi... Et aussi l'aveu du principe actif contenu dans le NAIRU pour exercer le contrôle social tant recherché: la menace du risque P.E.R.M.A.N.E.N.T.! Et donc de la Peur...

Guillaume de Baskerville
 
En réfléchissant au NAIRU, il m'est venu une idée qui je pense vaux son pesant de cacahuètes. La politique de l'immigration peut être un facteur d'influence MAJEUR du Nairu. En "laissant" entrer quelques "clandestins", la pressions sur les prix (donc sur les salaires) augmente. C'est aussi valable pour le travail au "noir". Donc, ne serait-ce-ti pas possible qu'il soit fait preuve d'une certaine "souplesse" à l'égard des flux migratoires ? A développer.

C'est pas tout a fait idiot comme raisonnement car, le saviez-vous ?, si les contrôleurs dénichent tous les fraudeurs de la redevance, il n'y a plus de service public de la redevance et donc cela fait des fonctionnaires à recaser. Véridique ! c'est dans les rapports du sénat (voir le site).
 
Bonsoir et merci pour votre commentaire, qui me permet justement de développer vos excellentes remarques!

Bien sûr que l'immigration est un moyen de faire pression sur les salaires, et donc se classe dans la même catégorie de moyens de pressions et de contrôle social que le NAIRU. De même que par exemple la mondialisation et les menaces de délocalisation agitées à tout bout de champ: regardez comment le chantage à l'emploi est au niveau microéconomique, chez Bosch, Otis ou Hewlett Packard, pour n'en citer que quelques uns habilement médiatisés, le pendant du NAIRU au niveau macroéconomique, avec d'un côté la peur de perdre son job et de l'autre l'acception de conditions de travail moins favorables (salaires bloqués, primes retirées, 35 heures remises en cause, etc.). Et bien sûr j'ajouterais comme autre moyen de pression dans les années à venir la libéralisation des marchés européens et mondiaux, avec la directive Bolkestein qui est toujours dans la course et les accords de l'OMC sur le commerce des services par exemple...

Le "principe actif" du NAIRU est la Peur et la Pression pour exercer un contrôle social sur la population salariée, le chômage en est un moyen, mais il y en a d'autres qui peuvent facilement se substituer ou compléter celui là...

Je reviens justement sur la question de l'immigration voulue et non avouée pour abonder dans votre sens. Pompidou a écrit dans ses mémoires que le recours à l'immigration massive dans les années 60 avait été un moyen de casser la dominance de la classe salariée après 68. A cette époque, les avions étaient affrêtés aussi par l'Etat, mais ils circulaient en sens inverse d'AIR Sarkozy: du maghreb vers la métropole! Renault, Peugeot, le BTP et toutes les grosses industries de l'époque ont tous fait tourner leur business par cet apport de main d'oeuvre fraiche et corvéable...

Poursuivant mes recherches il y a quelques mois sur le NAIRU, j'ai décidé d'interviewer par téléphone certains économistes, de l'OCDE notamment, mais pas seulement, puisque j'ai eu aussi les confidences sur le sujet de l'économiste en chef d'une des plus grosses banques européennes! Bien sûr tous confirment l'usage du NAIRU dans les modélisations des politiques économiques au plus haut niveau (pour ceux qui en douteraient, j'ai les enregistrements complets en MP3 de ces conversations, à l'insu des interviewés bien sûr, mais bon on n'a rien sans rien, encore moins sur ce sujet là, donc la fin justifie les moyens...). Mais quand on se met à en discuter avec certains et à poser les bonnes questions, on obtient les bonnes réponses de la part de gens qui n'enrobent pas leur propos dans une sauce médiatique à effet masquant. Ainsi, je faisais remarquer à ce spécialiste du NAIRU, économiste de l'OCDE, qu'en 97 le NAIRU pour l'Espagne était estimé à près de 20% (!), et que 7 ans plus tard, il était tombé à moins de 9% après les années Aznar. Là, cet économiste m'explique tranquillement qu'en Espagne, cette baisse considérable du NAIRU (donc du chômage minimum estimé nécessaire) avait été rendue possible par l'afflux considérable (et avec la bienveillance absolue des autorités) de plus d'un million d'immigrés Nord Africains dans un pays qui ne possédait pas de salaire minimum! En clair, la conjonction de ces deux éléments (immigration plus ou moins "clandestine" et absence de salaire minimum) avait permis de compenser plus de 10% de NAIRU, en troquant ainsi une pression par une autre! Comme quoi la Peur est interchangeable pour atteindre un même objectif.

Bien sûr l'avantage pour un politique, c'est de pouvoir clamer que le chômage a baissé... alors que la précarité et la proportion de travailleurs pauvres a augmenté (désormais 1/3 des SDF de Paris ont un travail!).

Donc bien sûr, il y a une énorme hypocrisie (historique) des milieux économique et industriels sur la question de l'immigration. C'est d'ailleurs tout l'art des discours sur l'immigration choisie: pouvoir choisir qui viendra et combien de temps il restera, voilà qui est supposé "concilier l'inconciliable", slogan qui était justement le titre de la dernière Université d'été du MEDEF...

Guillaume de Baskerville



Mais pour revenir
 
Mais comment comparer l'époque où les femmes ne travaillaient pas et celle, maintenant, où elles travaillent? Comment les économistes prennent en compte l'arrivée des femmes sur le "marché du travail"? Est-ce que ça a à voir avec le Nairu?
 
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