27 septembre 2005

Le NAIRU dans les textes...

Comme vous le voyez sur le graphique ci-dessous, le NAIRU existe bien (si encore vous en doutiez) et les chiffres d'estimation de ces NAIRUs sont impressionnants. En réalité, si on regarde la majorité des pays européens, on se rend compte que ces chiffres (qui sont des calculs à but de recommandations et non des mesures, je le répète encore une fois!) ont considérablement augmenté depuis trente ans, passant de quelques pourcents (ce qu'on appelait alors le "chômage incompressible") aux chiffres actuels. Il est amusant de préciser que notre économiste par qui tout a commencé, Phillips et sa fameuse courbe, estimait en 1958 ce taux de chômage incompressible à ... 2%!

Ouais mais depuis, l'économie s'est modifiée, la FINANCE comme sphère quasi autonome est devenue prépondérante, et afin de rétablir des profits qui commençaient à s'éroder sérieusement au début des années 70, le capitalisme a été contraint de modifier les règles du jeu. La vogue du NAIRU dans les cercles économistes influents, et sa récupération dogmatique par les milieux des affaires et de la finance qui y ont vite compris leur intérêt, en retrace bien les enjeux.

Pour revenir aux chiffres des NAIRUs européens, ils n'ont amorcé une lente stabilisation et une légère baisse que depuis quelques années, sous l'impact quasi mécanique des politiques dites de "réformes des marchés du travail", menées par les gouvernements à orientations libérales qu'ils soient de droite ou de gauche d'ailleurs: Aznar en Espagne, Berlusconi en Italie, Schroeder en Allemagne. Au tour de la France désormais.
Ainsi en Allemagne, et toujours selon les chiffres de l'OCDE, le NAIRU calculé serait passé de 9,6% (en 1997) à 8,2% (en 2001) sous l'effet de ces "réformes allant dans le bon sens" (mais pour qui?), ce qui n'empêche pas le taux de chômage actuel (et "OFFICIEL") d'être à près de 12%! En France, durant la même période, l'OCDE a révisé ses calculs de NAIRU de 10,2% à 8,9%, et le chômage "OFFICIEL" y est toujours de 10%...

Car ceci est une caractéristique TROUBLANTE des comparaisons que l'on peut faire entre les taux de chômage mesurés et les NAIRUs calculés: les taux de chômage obtenus dans la vraie vie ont été historiquement, depuis 25 ans, quasiment toujours supérieurs aux NAIRUs sortis des modèles des doctes économistes conseillant nos princes!
De là à conclure qu'il s'agit là d'une preuve supplémentaire que le NAIRU a bien été UTILISE comme limite inférieure du taux de chômage en-deça duquel il ne fallait surtout pas descendre, il n'y a qu'un pas que je n'hésite pas à franchir...
Les courageux pourront se reporter par exemple au document de l'OCDE dont je mets le lien ci-dessous:
http://www.oecd.org/LongAbstract/0,2546,fr_2649_201185_2086121_1_1_1_1,00.html
Il faut ensuite cliquer sur le titre en gras pour accéder au document pdf, mais lisez d'abord la page de présentation de l'étude, qui est savoureuse. Pour ceux qui n'auraient pas bien saisi le sens de "soutenable" dans la bouche des économistes NAIRUistes, est "soutenable" ce qui n'accélère pas l'inflation. Evidemment! Point de développement soutenable ou durable de la planète la dedans...
Ce document nous dit entre autres la chose suivante (je cite, voir page 5 du document)
« Parallèlement, les estimations révisées impliquent que pour la plupart des pays de l’OCDE, le chômage effectif a été largement supérieur au NAIRU durant une bonne partie des années 1990, ce qui est cohérent avec la réduction sensible de l’inflation à l’échelle de la zone.[...] C’est particulièrement vrai dans la zone euro : l’écart moyen entre le taux de chômage effectif et le NAIRU estimé depuis 1993 et d’environ 1,75% . Une bonne partie de cet écart est imputable aux trois principales économies de la zone euro ».
Quoi de plus normal que d'avoir un taux de chômage "OFFICIEL" supérieur (en moyenne de 1,75%) aux NAIRUs préconisés, puisque c'est le principe même du NAIRU, qui est le taux de chômage minimum qui stabilise l'inflation? Or comme le précise la phrase citée, ceci est cohérent avec la "réduction sensible de l'inflation" (euphémisme) obtenue en parallèle dans la zone euro!
Je ne résiste pas, par ailleurs, à l'envie de vous citer cette "amusante" phrase extraite d'un document de travail du Sénat: (qui est par ailleurs un endroit où le NAIRU se sent bien manifestement: si vous y faites une recherche sur les 20 dernières années , ce ne seront pas moins de 32 documents faisant référence au NAIRU qui vous seront servis!)

"les périodes où le chômage effectif est passé au-dessous du seuil de l'estimation du NAIRU sont malheureusement trop rares et trop courtes pour en tirer des conclusions" (SIC!)

lien: http://www.senat.fr/basile/visio.do?id=r848969_5&idtable=r848969_5&_c=nairu&rch=gs&de=20041008&au=20051008&dp=1+an&radio=dp&aff=sep&tri=p&off=0&afd=ppr&afd=ppl&afd=pjl&afd=cvn&isFirst=true

Eh oui, dans l'économie moderne,
UN CHÔMEUR EST BIEN QUELQU'UN QUI TRAVAILLE SANS LE SAVOIR... A TIRER L'INFLATION VERS LE BAS!
Pssitt!!! Quelqu'un pourrait-il le lui dire, ça pourrait lui remonter le moral...

22 septembre 2005


Estimations des NAIRUs pour différents pays en 1997.

Sur l'échelle du bas, ce sont donc les taux de chômage minimum (en % de la population active) au dessus desquels il fallait rester en 1997 pour ne pas réveiller l'inflation. Ceci est un graphique réalisé à partir des calculs de NAIRU faits par l'OCDE (grosse maison financée sur fonds PUBLICS versés par ses pays membres, très fournie en économistes talentueux, 2000 personnes y travaillent). LA référence en matière de prospectives économiques internationales (tendance un brin libérale quand même! Donc la routine et la norme!).
Non, vous ne rêvez pas, il y a du gros NAIRU dans le coin. 10,2% pour la France, 9,6% pour l'Allemagne, 10,6% pour l'Italie, 11,6% pour nos amis belges (médaille d'argent) and "the winner is"... 19,9% pour les espagnols.
Notez bien que ces NAIRUs sont exprimés sur une échelle de taux de chômage compatible avec les modes de mesure du chômage en Europe faits par l'Institut Eurostat, basé au Luxembourg. Les chiffres d'Eurostat sont dans les faits très proches de ceux de l'ANPE, j'entends par là ceux qui sont communiqués dans les médias (ANPE, catégorie 1) et qui sont NOTOIREMENT, on le sait, sous-estimés et incomplets (2,4 milions communiqués, près de 4 millions si on regroupe d'autres catégories, voire plus en parlant de HALO autour du chômage).
DONC: ces chiffres de NAIRUs (qui sont calculés à partir de modèles mathématiques prévisionnels, je le répète, car un NAIRU, on ne sait jamais où il est, voire même s'il est là!) sont des taux vraiment minimum du chômage qui n'accélèrerait pas l'inflation.
Dans les faits, s'ils sont pris en compte pour définir les politiques (et ils le sont...) ils conduisent à des situations réelles de chômage et de sous emploi bien supérieurs en nombre... Posted by Picasa

Bon, on va entrer de nouveau dans le vif...

... du sujet. J'avais promis des éléments de preuves, alors en voilà! Chiffres (juste ce qu'il faut), petites phrases piquées dans des documents d'étude divers (et ils ne manquent pas), tout pour se convaincre que l'animal existe, est bien vivant, adore les équations de modèles de prévisions et de préconisation à l'égard des dirigeants politiques et des "décideurs économiques".
Et on commence avec le fait que le NAIRU se porte bien par chez nous comme on dit, et qu'il peut atteindre un taille respectable. Gare au NAIRU, mon loup!

Le NAIRU à la "Une"...

Après avoir lancé le débat sur le forum d'Actuchômage, voilà déjà le NAIRU à la "Une" du site:
http://www.actuchomage.org/

Le NAIRU, quand on entend parler, d'abord, ça intrigue, et très vite ça démange. C'est sans doute pour cela que cet allergène a gentiment été écarté du débat public jusqu'à présent...
Atchoummm, donc!
Certains éternuements dégagent le nez, vous ne trouvez pas?

21 septembre 2005

Le débat se poursuit aussi ici...

... en parallèle du blog, j'ai lancé hier un nouveau "topic" consacré au NAIRU sur le portail qui monte actuellement sur le thème du chômage, à savoir "Actuchômage".
Rejoignez le Topic "Le chômage est voulu et planifié. Le NAIRU en est la clé..." en cliquant sur le lien ci-dessous:

http://www.actuchomage.org/index.php?name=PNphpBB2&file=viewtopic&p=7057#7057
A suivre sur le Blog: Les chiffres du NAIRU et les preuves de son utilisation dans les définitions des politiques économiques actuelles...
STAY TUNED, comme on ne disait pas en l'an 1327 dans un certaine abbaye bénédictine!

20 septembre 2005

Instant de détente...

"La bataille pour l'emploi"

Dans toute bataille, l'Art de la diversion est essentiel...
http://www.premier-ministre.gouv.fr/bataillepourlemploi/
Mais l'Art de la diversion est proche de l'Art de la division. Or, la racine grecque du Diable (Dia-Bolos) nous, le rappelle (merci Fabrice, mes notions de grec se sont émoussées!) : il est celui qui sous mille formes, "se met au travers de notre chemin, et cherche à nous diviser en nous-mêmes et entre nous"...

19 septembre 2005

Compte tenu de la tournure des évènements...

... j'ai demandé à mon fidèle secrétaire, Adso de MELK, de partir en exploration dans une autre branche du labyrinthe...
Mais chuut, c'est une mission secrète!
Alors, patience...

"Une circulaire du gouvernement, publiée lundi, met en place un certain nombre de sanctions en cas de refus d'emploi ou de non présentation à un rendez-vous de l'ANPE. Le premier refus coûtera au chômeur 20% de ses allocations, le second 50% et le troisième entraînera la suspension de toute allocation."
LA MESURE que, pour tout dire, j'attendais depuis longtemps... Refus à quel emploi proposé, à quel salaire et à quelle distance du monastère ... euh pardon, du domicile? Les réponses, les chômeurs espagnols et allemands la connaissent depuis déjà un certain temps.
ENCORE UNE FOIS COMME DIRAIT LAURENCE PARISOT, "LA FRANCE ETAIT EN RETARD". ETAIT...
COMME LE CHÔMEUR EST RESPONSABLE DE SA SITUATION, VOILA BIEN SÛR UNE MESURE DE BON ALOI...
Une mesure qui fait partie des "réformes structurelles du marché du travail" des économistes NAIRUistes, réformes qui sont le SLIM-FAST supposé pour faire maigrir le gros NAIRU (mais pas que lui!) . Sans pour autant (au contraire) renoncer à son principe actif: faire pression sur les salariés pour mieux les contrôler, tout en luttant contre "l'obsédante inflation".
Plus bientôt sur ce sujet...

"Quand il y a aujourd'hui en France 2,5 millions de chômeurs, mais en réalité quelques 5 millions de précaires, ce ne peuvent pas être eux qui soient responsables de cette situation"
Jean - Claude MAILLY, secrétaire général de Force Ouvrière,
sur France Inter ce soir, 19 Septembre 2005.

Les surprises du NAIRU

Avouez que depuis votre arrivée sur ce blog, quelques surprises vous ont attendu. Je les connais bien, ces surprises, car je les ai expérimentées moi même au fil de mon enquête:
1) le NAIRU, cet animal étrange, existe bel et bien. ET son existence est déjà en soi le germe d'un affreux doute...
2) non seulement il existe, mais on trouve sa trace en de nombreux endroits
3) et cependant VOUS N'EN AVIEZ PROBABLEMENT JAMAIS ENTENDU PARLER. Pourtant, ce n'est pas faute d'en entendre parler, de ce fâmeux chômage, depuis 30 ans...
4) en outre, le NAIRU n'est pas, tel le coelacanthe, un animal fossile. Non, il est bien en vie, en ce moment même. Bien qu'il soit bancal de naissance, il survit remarquablement en milieu économique moderne...
Les prochains développements vont vous montrer, chers visiteurs, que d'autres surprises vous attendent:
5) le NAIRU n'est pas un animal chétif. Non, il est même en fait plutôt GROS. En tout cas bien au-delà de tout ce que vous pourriez imaginer...
6) le NAIRU se reproduit étrangement bien dans les forêts luxuriantes de la jungle économiste, dans des régions plutôt inconnues pour nous, pauvres bougres surinformés par les médias courants. L'OCDE, la BCE sont quelques une de ces régions reculées.
7) le NAIRU apprécie particulièrement les biotopes où fleurissent les équations et les modèles mathématiques, en particulier ceux des prévisions et des recommandations pour le pilotage des politiques économiques à destination de nos gouvernants.
8) bien qu'ils soit "manipulé" par de brillants économistes, le NAIRU aime l'ombre (que lui procure avantageusement les équations sus-citées). Il ne se laisse pas facilement voir par l'observateur amateur, et se dissimule lors de ses rares sorties sous des appellations sybillines... L'incognito est son costume de soirée!
9) et pour rester de "brillants" économistes, en retour, ceux-ci, et surtout les plus médiatisés, restent très discrets en public et dans les médias sur l'étrange animal. En général. Mais pas toujours, si on cherche bien...
Que de surprises que vous allez découvrir en vérité...

18 septembre 2005

Là bas si j'y suis...

... eh bien j'y étais encore le Vendredi 16 Septembre 2005, car suite à l'émission de la veille (voir plus bas, mon article du 15 Septembre), je me suis dit que c'était l'occasion de bien faire ressortir le passage sur le "chômage d'équilibre" et de compléter en précisant qu'il était une des traductions françaises du NAIRU. J'ai donc repris mon plus beau téléphone pour laisser de nouveau un petit message (le 2è en 3 jours donc) que l'équipe de "Là bas"a choisi de faire passer le lendemain.
L'émission entière "Quand la mer monte, tous les bâteaux montent" (consacré aux très grandes richesses dans le monde, instructif et illustratif d'ailleurs pour la suite de l'exposé lorsque j'en viendrais à aborder la partie "Inflation" du NAIRU) est téléchargeable (real audio, 8 Mo) sur le site des archives:
http://w3.la-bas.org/rm/
allez sur le fichier 050916.rm puis clic droit "Enregistrer la cible sous", et c'est dans la boîte.
Le message répondeur est dans le premier quart d'heure. L'enquête sur le contenu étonnant (mais si peu?) des poubelles des énormes yachts de luxe du "quai des milliardaires" du port d'Antibes est à ne pas louper non plus... On retiendra également avec intérêt pour la suite du blog la donnée suivante:
ACTUELLEMENT, ON DENOMBRE SUR LA PLANETE 8 MILLIONS DE MILLIONNAIRES EN DOLLARS (fortune > 1Million de dollars donc, pour 6,3 milliards d'habitants) et LA FORTUNE CUMULEE DE CES 8 MILLIONS DE RICHES DEPASSE LA RICHESSE PRODUITE EN UNE ANNEE PAR LES 5 PAYS LES PLUS RICHES REUNIS (EU, Japon, GB, Allemagne, France).
j'ajouterai une autre donnée concernant elle les "super-riches": LES 416 PERSONNES LES PLUS RICHES DETIENNENT AUTANT QUE LA RICHESSE DISPONIBLE POUR LES 500 MILLIONS D'HABITANTS LES PLUS PAUVRES.
CETTE SITUATION DE GRAND ECART N'A CESSE DE S'ACCENTUER AU COURT DES 30 DERNIERES ANNEES...

Cet indice nous guidera dans les labyrinthes du NAIRU, de l'inflation et des outils de soi-disant maîtrise de l'inflation...

16 septembre 2005

PETIT RESUME DES PREMIERS EPISODES...

Avant de poursuivre l'enquête vers le Saint Grâal du NAIRU, au travers des labyrinthes de l'économisme, un petit bilan des éléments de la première semaine du Blog:
L'hypothèse de base:
Le chômage de masse depuis désormais 30 ans ne serait pas un Fléau Naturel, résultat de l'ire d'une quelconque divinité toute puissante. Il se pourrait même qu'il en soit venu a être intégré comme un élément utile, indispensable et même planifié par certaines instances humaines, pour faire pression sur les "fidèles" (encore appelés salariés) et leur faire peur. Ce "Diable" moderne servirait en outre une cause appelée lutte contre "l'inflation". Car l'inflation, elle, serait le "Démon" pour une autre catégorie de personnes: les investisseurs financiers et les détenteurs de patrimoine.
Les premiers indices:
  1. Malgré les incantations, les déclarations et les "plans" de tous les gouvernements successifs depuis trente ans, et bien qu'ils aient tous contribué d'une manière ou d'une autre à "arranger" les chiffres du nombre de chômeurs pour être présentables au moment des élections importantes, le chômage s'est accru et reste massif.
  2. A cela s'est ajouté en outre un vaste HALO autour du chômage pur et dur. Ce halo est constitué de formes d'emploi atypique qui ont pourtant été présentées comme des sacrifices nécessaires pour guérir le mal. Leur point commun: la flexibilité, l'employabilité, la précarité et l'insécurité économique qui en découle. Le tout engendrant de nouveau de la crainte, de l'angoisse, de la peur.
  3. On a découvert (disons scientifiquement) en 1958 (Phillips) que le chômage faisait en général pression sur les salariés, ce qui calmait leur revendications salariales...
  4. En 1968, Milton Friedman dit: il y a un "taux de chômage naturel" dans chaque société. Chercher à aller en dessous ne sert à rien, si ce n'est à créer de l'inflation".
  5. Papademos et Modigliani disent en 1975: "ce n'est pas tout à fait exact: si on est bien au dessus d'un truc qu'ils appellent NAIRU, "Taux de chômage minimum qui n'accélère pas l'inflation", faire baisser le chômage ne réveillera pas le Démon des financiers, l'inflation. Mais si on baisse et s'en rapproche trop (mais là, c'est flou, où est le "cobra", difficile question), alors ce Démon de l'inflation pourrait se réveiller et se repaître des profits financiers.
  6. Plein de gens, des économistes, se mettent à calculer où pourrait se trouver le cobra, le fameux NAIRU.
  7. ILS se rendent compte cependant que leurs calculs sont très incertains, que ça ne colle pas bien avec la réalité, que leurs hypothèses sont un peu bancales...
  8. Pourtant, et manifestement parce qu'on leur demande (peu sont bénévoles), ils continuent (et particulièrement ces dernières années) à fournir des éléments qui deviennent des prévisions et des préconisations pour les politiques à mener.

Voilà qui est bien étrange...

Alors...

... on peut penser que si un concept aussi douteux continue malgré tout à être utilisé (Guillaume de Baskerville vous en fournira des preuves...), c'est qu'il à de bonnes raisons de l'être! Car deux choses sont intéressantes dans le NAIRU:

  1. la pression exercée sur les fidèles (les salariés) intéresse ceux qui veulent une main d'oeuvre peu chère et "docile". En économie, ce sont les "producteurs", ou les "employeurs". Peu importe quelle pression est exercée, mais pour l'instant, le chômage fait bien l'affaire. On teste déjà de nouvelles formes de précarité plus diffuses et moins visibles comme le nez au milieu de la figure au moment des élections, des sondages ou des référendums, mais la France est "en retard" sur ces nouvelles techniques (un certain archaïsme paraît-il...). Concernant le chômage, et même si au fond il est donc bien utile, il faut qu'il soit ressenti comme menaçant, angoissant, bien présent à l'esprit de ceux qui ont "pêché " et croisé le Diable (les chômeurs), mais aussi, et je dirais SURTOUT, à l'esprit de ceux qui n'ont PAS encore croisé le Diable. La messe du JT de 20 heures (exemple non exhaustif) peut efficacement y pourvoir. Surtout quand on y montre en boucle les malheurs de ceux qui ont vu le Diable... Et qui veulent se "repentir", bien sûr. Repentir, en nouveau français, ça se dit "rebondir".
  2. la priorité donnée à la lutte contre la soi-disant inflation (j'y reviendrai bien plus tard). Car là pas de doute, le Démon de l'inflation est bien réel pour la sphère financière et ceux qui accumulent beaucoup d'argent. On peut bien sûr y retrouver nos "producteurs", mais il y a aussi une autre catégorie très (et de plus en plus) influente qui s'appelle "les spéculateurs"...

Histoire de répondre par anticipation à toute critique du genre "encore une nouvelle version de la théorie du complot", je dirais simplement que dans le monde réel (l'allusion au cinéma et au film Le Nom de le Rose n'est qu'une manière originale de passer un message par une analogie qui me semble assez éclairante d'un mécanisme de contrôle social ayant déjà montré son efficacité dans l'histoire), il est vrai que les choses ne sont jamais aussi simples que la division du monde entre les "gentils" et les "méchants"! La division binaire (le Bien et le Mal par exemple), bien que très opérationnelle encore de nos jours (l'Axe du Mal par exemple, ou... le chômeur et le non-chômeur, celui qui bosse ou celui qui bulle, celui qui crée de la richesse et celui qui serait assisté, le productif et l'improductif et j'en passe), tient souvent de la manipulation et de la mystification. Car la réalité est bien plus complexe. Le vrai noir et le vrai blanc sont rares, mais le gris est multiple. Ce Blog essaie de montrer en poussant un peu le contraste ce qui apparaît incompréhensible à bon nombre de citoyens auourd'hui. Et concernant le NAIRU, je crois qu'il y a derrière cette histoire une combinaison d'éléments qui font advenir les choses telles que nous les constatons. Une part d'intérêts bien compris dans des "milieux influents", détenant un certain pouvoir, une part d'aveuglement et de routine chez de nombreuses personnes qui appliquent parce qu'ils y croient ou parce que c'est ce qu'on leur demande, ou encore parce que c'est juste leur "métier", et une grande part d'ignorance et d'incompréhension chez une majorité de gens qui n'ont que les moyens de subir, tant bien que mal.

La citation suivante s'applique merveilleusement au NAIRU, au chômage et à l'économie moderne:

"Le monde se divise en trois catégories de gens: un très petit nombre qui fait se produire les événements, un groupe un peu plus important qui veille à leur exécution et les regarde s'accomplir, et enfin une vaste majorité qui ne sait jamais ce qui s'est produit en réalité."
Nicholas Murray Butler, Membre du Council on Foreign Relations, organisation américaine qui rassemble des leaders politiques ou économiques de haut niveau (comme Georges Bush père, Henry Kissinger, ou David Rockefeller).


15 septembre 2005

Bon, tout ou presque y est...

... dans l'émission de Daniel Mermet de ce jour (Jeudi 15/09 ). Une des traductions du NAIRU en français est le "taux de chômage d'équilibre", qu'un économiste vient d'expliquer lors de l'émission d'il y a quelques minutes... Equilibre entre quoi et quoi? Entre chômage et inflation pardi, mais ça il faut le savoir. De toute façon, en général, dans les articles des journaux grand public, on préfère utiliser le terme taux de chômage STRUCTUREL, qui est neutre et laisse supposer ce qui n'est pas (tout en cachant ce qu'il est). Un autre terme qui paraîtrait louche et donc est rarement utilisé est celui de taux de chômage NATUREL (merci monsieur Milton Friedman, voir plus bas). Ouais, là, vraiment, ça mettrait trop la puce à l'oreille!
Alors que moi, NAIRU je trouve ça si bien. C'est court, ça sonne bien, ça fait exotique et surtout, ça force à chercher quel mystère se cache derrière...
Décidément, ça s'accélère sur le front du NAIRU ...

L'émission du jour en archives ici ("les chiffres du chômage")
http://www.la-bas.org/
Si vous souhaitez télécharger le fichier (8 Mo) de l'émission en question (en real media), c'est le lien ci-dessous, allez sur le fichier 050915.rm (15 septembre) et faites clic droit "enregistrer la cible sous".
http://w3.la-bas.org/rm/
TOUTE L'EMISSION EST A ECOUTER POUR COMPRENDRE COMMENT LES STATISTIQUES QUE L'ON NOUS SERT DANS LES MEDIAS SONT TRAFIQUEES ET INCOMPLETES. POUR LE PASSAGE SUR LE "CHOMAGE D'EQUILIBRE" (DONC LE NAIRU) ET SON USAGE DELIBERE POUR FAIRE PRESSION SUR LA POPULATION SALARIEE, ECOUTER LE PASSAGE ENTRE LA 45è et LA 49 è minutes.
La réaction de Laurence Parisot, Présidente du Medef, qui parle du "scandale du chômage depuis 25 ans" est révélatrice de la stratégie actuelle: dénoncer (en la récupérant) une situation pourtant délibérément construite et planifiée, pour mieux passer de nouvelles "réformes structurelles" sur le marché du travail... Le but étant de partager la précarité sur le plus grand nombre et d'obtenir une pression diffuse et généralisée...

Petite phrase du jour, pour méditer avant de mieux comprendre!

Le chômage que nous connaissons de nos jours n'est pas le contraire du travail.
Il est un moment spécifique du travail...
N'en déplaise à ceux qui voudraient opposer les deux, selon le principe que diviser permet de mieux régner.
Et comme le disait le rappeur dans sa chanson,
"le véritable ennemi n'est pas celui contre lequel on se bat, mais celui qui profite des dégâts"

14 septembre 2005

Message à tous les visiteurs

Mardi 13 septembre, l'émission de Daniel MERMET, sur FRANCE INTER, "Là bas si j'y suis" traitait du chômage des cadres, et s'intitulait "cadre jetable". Eh oui, même les cadres se font virer, et je ne vois d'ailleurs pas pourquoi il en serait autrement. Le chômage actuel doit être interprêté comme un phénomène global (eh oui, lui aussi!), comme un macro-phénomène (et qui est loin d'être naturel), les particularismes n'y ont guère leur place en fin de compte. Chaque histoire est une histoire personnelle, humainement souvent terriblement désagréable, mais vu d'en haut, l'économie, et son pilotage, ce sont avant tout des grands nombres, de la masse statistique, des "agrégats".
L'avantage de virer des cadres, c'est que certains (et pas qu'eux bien sûr) commencent à analyser -certains étaient payés pour cela avant dans leur travail, alors ils ont les bases-, et quelques uns (encore peu) commencent à agir. On peut écrire des bouquins, créer ou participer à des blogs, se mettre en quête de comprendre pourquoi les discours ne collent pas avec les faits, en parler. Et je crois que ça commence à venir...
J'ai profité du répondeur de l'émission, dont les messages sont diffusés à l'antenne le lendemain, pour attirer l'attention sur le NAIRU et donner l'adresse de ce Blog.
Vous pouvez écouter le message et l'émission sur la page ci-dessous:
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=736
ou télécharger le tout sur la page suivante (fichier real media 8 Mo), allez sur le fichier 050914.rm (14 septembre), faites clic droit et "enregistrer la cible sous". Le message démarre à t= 26'15s
http://w3.la-bas.org/rm/
2 minutes, c'est court, mais suffisant pour avoir mes premières visites ou contacts extérieurs!
DONC, UN GRAND MERCI A VOUS POUR VOS COMMENTAIRES OU VOS MAILS, VOS ENCOURAGEMENTS SONT LES BIENVENUS, MAIS SURTOUT VOS QUESTIONS OU ELEMENTS D'INFORMATION POUVANT M'ETRE UTILES.
EGALEMENT, N'HESITEZ PAS A PARLER DE CE BLOG ET DU NAIRU AUTOUR DE VOUS. UNE SIMPLE RECHERCHE SUR INTERNET en TAPANT "NAIRU" PERMET D'EN APPRENDRE BEAUCOUP .
TOUS LES LIENS POINTANT VERS CE BLOG SONT EGALEMENT LES BIENVENUS (merci de m'indiquer par mail cependant l'adresse du site d'envoi).
J'ai une foultitude d'éléments "en réserve" à ajouter pour développer mes hypothèses et ma vision des choses sur cette "affaire", et je vais essayer d'organiser dans les semaines qui viennent quelques conférences sur le sujet sur Strasbourg. Revenez jeter un oeil, et gardez l'autre ouvert sur l'actualité du chômage!
PS: site de l'émission Là bas si j'y suis:
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-inter01/emissions/labas/
ou encore, pour les archives
http://www.la-bas.org/
En plus, des émissions passées sur le chômage
http://www.la-bas.org/recherche.php3?recherche=ch%F4mage
et le très instructif documentaire (2x 52 minutes) de Gilles Balbastre "Le chômage a une histoire" à l'adresse ci-dessous
http://lbsjs.free.fr/Balbastre/Balbastre_chomage.htm

13 septembre 2005

Allez, vous avez bien travaillé en lisant toute ces choses nouvelles pour vous et un peu indigestes sur le moment, alors aujourd'hui, un peu de détente... pleine de leçons. Le mieux n'est-il pas d'apprendre en s'amusant? Alors j'intitulerais la rubrique du jour:
"Chômeurs, bougez-vous! Que ... Diable!"
Histoire de faire quelques allers-retours instructifs entre ce monde du NAIRU que vous ne connaissez pas encore bien, et le monde réel que vous ne connaissez que trop bien, une petite dépêche de l'Agence Associated Press qui vient de tomber sur nos téléscripteurs:
Eh oui, la thèse libérale du Marché passant par la "parfaite fluidité des facteurs de production" - à savoir capital et travail-, il semblerait que celle du second facteur passe par ... le solex! A l'heure de la mondialisation (et en tout cas de l'Europe), ça risque d'être un peu court! Mais bon, compte tenu de ce qui se prépare avec le pétrole, la prochaine étape sera le vélo ou ... le chameau!

"There's also a saying from oil-rich Saudi Arabia that goes: My father rode a camel. I drive a car. My son flies a jet airplane. His son will ride a camel."
Franchement, avouez que quand on commence à connaître l'existence du NAIRU, certaines infos prennent une saveur inconnue jusque là... Qui a dit que l'économie n'était pas drôle? Petits veinards, va?

10 septembre 2005

A l’origine, ce sont les travaux d’un économiste d’origine anglaise, William Phillips, qui ont les premiers mis en évidence, en 1958, la relation qui existe entre fort taux de chômage et modération salariale. Se basant sur les données disponibles en Grande Bretagne pour la période allant de 1861 à 1957, il démontra qu’il y avait effectivement une relation inverse entre la hausse des salaires des travailleurs et le taux de chômage. Le principe avancé pour expliquer cet effet est d’une simplicité enfantine : un taux de chômage « suffisamment élevé » fait pression sur les salariés et modère leurs velléités salariales. Dit autrement, le marché du travail est d’autant plus favorable aux entreprises que les candidats à l’embauche sont nombreux, ce qui limite l’augmentation de leurs coûts de main d’œuvre et donc les prix de leurs produits, et donc l’inflation. Inversement, un taux de chômage « trop faible » entraîne une pression à la hausse sur les salaires, qui augmente l’inflation et en retour accentue encore à la hausse les salaires pour compenser cette hausse des prix et maintenir le pouvoir d’achat. Le spectre de l’hyperinflation ne serait pas loin…

La courbe de Phillips, que tous les étudiants en économie ont à leur programme, et pour cause, aurait donc une forme proche de celle du graphique de la Figure 1 ci-dessous
(voir plus bas)

En outre, et hormis la corrélation inverse entre hausses salariales et taux de chômage, l’ampleur de ces augmentations de salaires serait dépendante de la zone de chômage dans laquelle on se trouverait : modérée si le chômage est suffisamment élevé, et beaucoup plus sévère à des niveaux plus bas.

Il est à noter, et ceci est important pour bien comprendre la suite de l’histoire, qu’il s’agissait là de travaux de recherche basés sur des séries de données réelles du passé, ayant pour but de comprendre les mécanismes en jeu. On peut parler de recherche descriptive ou encore "positive": on se base sur une réalité des faits observés pour comprendre un mécanisme. On peut encore parler de démarche scientifique stricte. La suite prendra, on le verra, une toute autre tournure...

Répétons encore une fois que les résultats obtenus par Phillips n’ont en soi rien de surprenant. Ils apportent un caractère scientifique à une présomption qui tenait plus de la lapalissade ou de la réinvention du fil à couper le beurre que de la découverte en rupture avec les idées établies. Une pression sur le marché du travail (s'exerçant sur les salariés) est susceptible de modérer les coûts salariaux, voilà qui est logique; que le chômage exerce une telle pression, intuitivement, cela se conçoit également!

Et pourtant, ces conclusions de Phillips vont avoir un impact fort et durable sur les idées des économistes des décennies qui vont suivre quant à la relation entre chômage et inflation, hautement stratégique pour la conduite des affaires il est vrai. Car la mise en équation de la chose favorise une prise de recul par rapport au sujet et permet de commencer à envisager le taux de chômage non plus uniquement comme un résultat imprévisible et fluctuant brutalement (comme par exemple pendant la Grande Crise de 1929), mais aussi éventuellement comme une donnée d'entrée exploitable en sens inverse si la priorité devient la lutte contre "l'inflation" ou la maîtrise des coûts salariaux. Les travaux de l'économiste amorcent une mutation des idées de certains: le chômage, de problème, est susceptible de se transmuter en outil. L'ancienne alchimie avait failli dans sa quête, une nouvelle alchimie économystique allait-elle parvenir à tranformer le plomb du chômage en ... argent?
Et de fait, à partir de là, le concept commence à faire l’objet de nombreux débats (entre initiés bien sûr …), et certaines interprétations nouvelles vont voir le jour.
Le leader des économistes monétaristes américains, Milton Friedman, à l’origine des politiques ultralibérales de Thatcher et Reagan, introduit ainsi en 1968 le magnifique concept de «taux de chômage naturel ». Sur le long terme[1] , il y aurait dans une société et une économie donnée, un taux de chômage naturel , aussi naturel que la loi de la gravitation universelle (voir à ce sujet le beau pamphlet sur cette supposée naturalité de la chose économique http://harribey.u-bordeaux4.fr/ledire/souffrance.pdf). Ce serait comme cela et on n’y pourrait pas grand chose, et toute tentative pour abaisser ce taux de chômage en-dessous de ce seuil fatidique se paierait d’une hausse non maîtrisable de l’inflation. La courbe de Phillips deviendrait une droite verticale, un véritable mur dont on ne connaîtrait pas vraiment la valeur et la position sur la courbe, mais qui, tel un dragon tapi dans le noir, attendrait les gouvernements qui voudraient trop faire baisser ce chômage et cracherait sur eux le feu de l’hyperinflation !
La conséquence opérationnelle pour les décideurs soucieux de mener une politique économique rationnelle serait que toute tentative de réduction du chômage serait vouée à l’échec, sauf à modifier en profondeur les structures du marché du travail. Bien sûr, on reconnaîtra là les soubassements des justifications des politiques menées actuellement : « réformer » pour abattre les « rigidités » et les « freins à l’embauche ». Bien entendu, tous ceux qui avaient un intérêt marqué à la lutte contre l’inflation (en gros, ceux qui possèdent de la richesse) allaient trouver dans ce concept de grandes vertus. Et ceux qui avaient également clairement intérêt à ce que les salaires soient les plus contenus possibles (les employeurs et leurs groupes de pression les plus actifs) allaient garder discrètement à l’esprit ce résultat intéressant : à forte dose, le chômage semblait agir comme un inhibiteur de velléités salariales. D’où la recrudescence de travaux sur le sujet, avec comme arrière-pensée l’idée qu’à côté de l’aspect purement académique de la réflexion, l’aspect pratico-pratique pouvait être réel…

Finalement, ce sont deux économistes réputés keynésiens, Franco Modigliani et Lucas Papademos, qui introduisirent le fameux NAIRU, en 1975, qui coupe un peu la poire en deux et cherche à créer un consensus (indispensable, en économie comme ailleurs pour devenir sinon aimé de tous ses pairs, du moins détesté d’aucun !).
En résumé, pour des taux de chômage « suffisamment élevés », le risque de dérapage de l’inflation serait faible et les gouvernements pourraient effectivement lancer des plans volontaristes pour lutter contre le chômage, alors que dans des zones des chômage « plus faible », le mur de Friedman existerait bien et s’en rapprocher friserait l’inconscience en terme d’inflation !
Afin d’illustrer cette idée de manière simple, cela revient en quelque sorte à définir schématiquement trois zones sur le graphique de la Figure 2 ci-dessous: (voir plus bas)
  • une zone verte où les gouvernements pourraient agir pour réduire le chômage,
  • une zone rouge où ce serait suicidaire en terme d’inflation,
  • et une zone intermédiaire orange autour du taux de chômage naturel de Friedman, où il conviendrait de s’aventurer avec prudence, car le NAIRU rôderait !

En outre, et cela reste un élément clé de l’idéologie du NAIRU qui s’est peu à peu développée dans certains milieux politiques, économiques et financiers, toute velléité de faire passer temporairement le chômage sous ce seuil fatidique serait vouée à l’échec, avec en prime une montée rapide et incontrôlée de l’inflation. En clair, on pourrait éventuellement lutter contre le chômage si celui-ci est élevé, mais pas si celui-ci est faible.

Mais, et c’est indiscutablement en soi un énorme point faible de ce concept, la théorie ne sait pas dire où se situent les limites entre la zone verte et la zone rouge! Le NAIRU est un animal qui se cache bien et que l’on ne sait pas bien cerner. Chômage faible, chômage élevé, tout cela reste flou. Flou et très relatif, on le verra.

Certes les économistes soutenant ce concept vont comme à leur habitude dépenser une énergie considérable à élaborer des modèles mathématiques ultra-raffinés pour tenter de traquer dans l’invisible la fameuse bête, en calculant des chiffres estimatifs du NAIRU pour un pays donné à un instant donné.

Robert Eisner, spécialiste du NAIRU, estima quant à lui en 1997 (http://web.upmf-grenoble.fr/espace-europe/publication/cah_e_e/9/eisner.pdf , p.5) que « produire des estimations du NAIRU est devenu une sorte d’industrie artisanale au fil des années ». Quand le concept est flou et bancal, des chiffres sortis d’une moulinette incompréhensible, si possible avec au moins un chiffre derrière la virgule, redonnent un vernis de sérieux. Bien sûr, le miroir aux alouettes ne trompe que … les alouettes. Mais il semble qu’en la matière, les alouettes soient nombreuses et peu regardantes. D’autant moins regardantes sans doute qu’elles peuvent être intéressées par les conséquences indirectes du NAIRU.

Ainsi, selon une étude de la Commission Européenne, citée dans la revue Problèmes Economiques N°2461 du 28 Février 1996, il y aurait eu en effet 90 chances sur 100 pour que le NAIRU moyen des pays européens soit en 1994 compris entre 2,8% et … 18,8% ! A 2,8 %, on pourrait sans doute parler de chômage faible, à 18,8% c’est évidemment une autre histoire ! Autant dire que la force du concept devrait être inversement proportionnelle à l’imprécision de ses préconisations.


Eh bien non. Détrompez-vous. Le flou, bien exploité et érigé en dogme sous-jacent, fera et fait toujours le succès opérationnel du concept. Sans doute parce que la vérité se tord d’autant plus facilement qu’elle est molle et malléable… pour obtenir ce qu’on veut obtenir. Bien entendu, entre la courbe de Phillips et les interprétations bien plus tardives (y compris celles qui ont cours aujourd'hui), on a glissé subtilement d'une approche scientifique descriptive à une approche dogmatique prescriptive.

Mais bon, si la théorie est faiblarde, des études empiriques doivent bien finir pas cerner le fameux Graal démoniaque du NAIRU, et confirmer la belle cohérence du concept, esquissée par les résultats probants de Philipps. Las! Car à partir de 1970, l’ensemble des pays développés connurent la stagflation, c’est-à-dire à la fois fort chômage et forte inflation ! Comme si cela ne suffisait pas à mettre ce concept au placard, depuis plusieurs années, aux Etats-Unis, le chômage officiel est tombé sous le NAIRU estimé, sans qu’il y ait d’inflation forte, au contraire !

Décidément, les supposées lois de l’économie sont bien plus capricieuses que celles de la gravitation et de la chute des corps. On pourrait dire pas de chance pour les conseillers de nos princes que sont les économistes. Je l’ai déjà dit, ce n’est pas le cas, bien au contraire. Un économiste moderne qui veut faire carrière doit savoir critiquer le NAIRU … tout en le calculant, l’utilisant, le discutant, le raffinant. Non, décidément, celui qui n’a pas de chance en raison de l’existence du NAIRU comme concept macro-économique, aussi bancal soit-il, ce n’est pas l’économiste épris de rigueur scientifique.

Celui qui n’a pas de chance, c’est plutôt le chômeur de base des 30 dernières années qui sans le savoir est au cœur des préoccupations de ces économistes, mais pas toujours pour les raisons qu’il serait en droit d’imaginer…

Parmi les nombreux travaux sur le sujet, il reste de toute évidence à mener une étude pour voir s’il n’y aurait pas (par pur hasard) corrélation entre le nombre d’économistes manipulant quotidiennement le NAIRU sur cette planète et le nombre de chômeurs.


Toujours est-il que le moins que l’on puisse dire, c’est que ce concept de NAIRU est assez sulfureux tant sur le plan théorique que pratique. Et là, on n'est manifestement plus dans la science descriptive, on est dans la pseudo-science PRESCRIPTIVE.

Pourtant, et ce n’est pas le moindre paradoxe le concernant, ceci ne l’empêche pas, comme je l’ai déjà évoqué , d’être toujours aussi utilisé , étudié, discuté et …calculé ! Si vous en doutez, vous verrez que les indices conduisant à une intime conviction sur le sujet ne manquent pas...

A SUIVRE.


[1]Expression plus que douteuse et critiquée , car laissant dans l’ombre le fait que dans le court et moyen terme, les choses seraient bien différentes ; or la vie économique moderne n’est faite – et de plus en plus pourrait-on dire - que de courts termes qui se succèdent ; et comme le disait Keynes ironiquement, à long terme, nous serons tous morts !


09 septembre 2005


Figure 1: Courbe de PHILLIPS, plus le taux de chomage est eleve et moins les salaries sont en mesure d'imposer leurs velleites de hausses salariales... Posted by Picasa

Figure 2: Courbe de PHILLIPS, Mur de FRIEDMANN et NAIRU Posted by Picasa

08 septembre 2005

PROVERBE DU JOUR:

A toute chose malheur est bon...

07 septembre 2005

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le chômage est un thème omniprésent dans les médias. Les chiffres du chômage sont égrénés à peu près aussi religieusement que les chiffres du CAC40 et participent à la petite musique de fond qui berce nos journées et rythme nos soirées. Mais ce n'est sans doute pas cette berceuse qui contribue le plus à faire de nos nuits de "douces nuits". Non, si elle nous endort, c'est certainement dans un tout autre sens...

Le NAIRU est de ces choses qui peuvent aisément vous sortir de votre torpeur comme un radio-réveil un matin pluvieux. Non seulement de par ce qu'il est, mais aussi, déjà, de par le simple fait de son existence, qui vous "sonne" un peu, et puis encore, et encore plus dirais-je, de par le fait que jamais, jamais, vous n'en avez entendu parler. Et pourtant, depuis trente ans, vous en avez entendu dire des choses sur ce fameux chômage, sur ses causes et sur le prochain plan infaillible du gouvernement pour le terrasser! Eh oui, beaucoup de choses, dont beaucoup de bêtises avec le recul du temps (trente ans!), mais le NAIRU, jamais. Rien. Nada. Rien que ça, cette absence, ça vous donne envie de vous lever, malgré le temps pluvieux, et de creuser la chose. Le NAIRU, ça réveille.

Disons que manifestement, on a dû s'arranger pour d’une part faire en sorte de ne pas trop faire de vagues sur ce sujet (seuls les initiés connaissent), mais aussi développer tout un discours, tantôt connaisseur et hypocrite (celui des initiés), tantôt naïf et sincère (celui des ignorants), pour expliquer que ce fameux chômage est donc un vilain fléau contre lequel on se mobilise comme des pompiers luttent courageusement contre un dramatique incendie. Mais, on le sait, certains pompiers peuvent aussi être pyromanes… Alors cet incendie n’est-il pas en fait un incendie volontaire ?
Quel enjeu peut bien se cacher derrière ce concept pour justifier une telle discrétion ? En quoi, le NAIRU est-il si important au point qu’il soit devenu un mur porteur de la maison « économie de marché » ? Vous croyez que j'exagère? Sachez juste qu'un de ses spécialistes, l’économiste américain Robert Eisner, considérait que « le NAIRU est un des plus puissants moyen d’influence de ce siècle sur les politiques économiques ».
Il convient de comprendre un peu mieux de quoi il retourne...

06 septembre 2005


Depuis l’âge de sept ans, en 1973, j’ai appris à vivre, comme vous sans doute, dans une société dans laquelle le chômage est devenu un terme et une réalité tellement familiers qu’il fait désormais partie des murs de la maison. En augmentation régulière depuis cette date, à de rares exceptions près, il est même devenu ce que l’on appelle couramment un « chômage de masse », autant par le nombre des personnes concernées directement ou indirectement dans la population (qui se comptent en millions dans la plupart des pays) que par son extension à l’ensemble des pays caractérisés par une économie « moderne » de marché.

L’Allemagne vient ainsi en Janvier 2005 de dépasser le cap des 5 millions de chômeurs inscrits (j’insiste sur ce terme, on verra pourquoi), record absolu depuis la seconde guerre mondiale. En Europe, les chiffres officiels seraient aux alentours de 18 à 20 millions. Cela fait désormais 30 ans que le phénomène est présent et se répand. Et cela fait également 30 ans que nos dirigeants et leurs conseillers politiques et économiques de tous poils ânonnent le même refrain : le chômage est un Fléau (comme en son temps les sept plaies d’Egypte), et il constitue la préoccupation, l’objectif, la priorité « number one » du gouvernement du moment, nécessitant un engagement de tous pour mener la lutte, que dis-je la Croisade contre cette catastrophe sociale. Mais si le discours a présenté pendant longtemps ces chômeurs comme de pauvres victimes innocentes d’un système économique lui aussi innocent puisque visant un bien-être économique et social toujours plus grand, la tendance actuelle en Europe est à un discours bien plus culpabilisant … non pour le système qui reste au dessus de tout soupçon, mais pour ces chômeurs qui sont de plus en plus désignés par nos politiques comme un peu responsables de leur sort, quand il ne sont pas tout simplement des tire-au-flanc et des fraudeurs.

En 1998, connaissant moi-même mon baptême du feu en tant que chômeur (j'étais cadre dans une grande entreprise), je me décide à mieux comprendre de l’intérieur cette partie du système économique. Autant faire de cette période une période de formation… aussi sur ce qu’est le chômage ! Le chômage, comment ça marche ? Quels sont les règles, les droits, les modes de calculs des statistiques, quelle est son histoire, qu’en dit-on en politique et dans les médias, que fait-on pour le gérer voire le résorber ? La première évidence qui saute aux yeux, c’est que si le chômage est soi-disant le produit d’une crise conjoncturelle, c’est une crise qui dure ! Et une crise qui dure n’est plus une crise. Par définition ! Par ailleurs, tout semble bien me montrer qu’il y a une véritable machinerie mise en place pour le gérer sur le long terme. Il ne s’agit pas là de dénoncer ou de critiquer cette machinerie, il s’agit juste de constater son existence. Ce que j’ai en face de moi pour me gérer en tant que chômeur n’est pas un hôpital de campagne, c’est un hôpital tout court. Si le chômage est un Fléau, c’est un Fléau Institutionnalisé. Mais à cette date, bien que commençant à avoir quelques doutes sur l’efficacité des discours incantatoires visant à son éradication, je n’en ai pas encore vraiment sur la sincérité de ceux qui les diffusent.

Et puis, en 2000, je tombe par hasard sur un livre intitulé « La comédie des fonds de pension
[1]», rédigé par un inconnu pour moi, Jacques Nikonoff, qui n’est bien sûr pas encore le Président d’Attac à cette date. Un chapitre est consacré à une bête étrange et singulière, le NAIRU, acronyme anglais de « Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment ». Kesako? La traduction littérale est le « taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation ». Sans rentrer dans le détail tout de suite, l’idée serait qu’en macro-économie moderne, si on ne souhaite pas que l’inflation (mesurée par la hausse des prix à la consommation) dépasse un certain niveau, il faudrait que le chômage ne descende pas en dessous d’un certain seuil, qui serait justement donné par ce fameux NAIRU. Vous avez bien lu, « ne descende pas en dessous de ce seuil » ! En clair, dans une économie moderne, il y aurait une sorte d’arbitrage délibéré entre chômage et inflation. Moins d’inflation voudrait dire plus de chômeurs, et vice versa. La conclusion qui en découlerait serait que bien sûr, un chômeur ne serait pas une victime innocente d’un système tout à fait innocent, mais une victime innocente, préméditée et UTILE d’un système qui ne serait pas tout à fait innocent s’il s’avérait qu’il ait comme vraie priorité « number one » la lutte contre l’inflation. Chômage ou inflation, il faudrait choisir, et le choix pourrait être coupable! J’ai alors la même réaction que vous probablement en ce moment : c’est tellement énorme que je reste incrédule malgré le caractère manifestement bien documenté du chapitre en question. Un niveau de chômage délibéré maintenu comme nécessaire au fonctionnement du système, c’est tellement éloigné de la représentation de l’opinion publique et des discours qui l’abreuvent, non, ce n'est évidemment pas possible!

J'effectue alors quelques recherches sur Internet afin d’éclaircir la chose. Et là, je suis sidéré. Non, seulement ce concept existe bel et bien, mais en plus il apparaît comme pleinement opérationnel si j'en juge au nombre et à la nature des documents que je découvre et dans lesquels il apparaît. Loin d'être un concept poussiéreux restant cantonné au fin fond de quelque manuel d'économie, il est reprit et développé par de nombreux analystes et décideurs économiques, parmi lesquels des organismes et des institutions influentes (OCDE , BCE, FED, pour n'en citer que quelques-unes) ainsi que des personnalités aussi connues qu'Alan Greenspan ou Jean-Claude Trichet par exemple, respectivement présidents des deux banques centrales européennes et américaines.

Le lecteur un peu curieux, et même le journaliste moderne un peu atone et endormi par le « fil » incessant des dépêches de l'AFP qu’il a appris à « copier-coller » pour remplir de manière « productive » les colonnes dont il a la charge, pourra ainsi vérifier par lui-même qu'en tapant NAIRU sur un moteur de recherche comme Google, ce ne seront pas moins de 61 200 pages contenant ce terme qu'il pourra consulter avec profit, d’autant mieux qu’il maîtrise la langue de Shakespeare il est vrai ! Le NAIRU est omniprésent dans certains milieux, et pourtant il reste invisible aux yeux de tous. Chut, il vaut mieux ne pas s'étendre là-dessus ! Comme le déclarait en 1996 le vice-président de la Banque Centrale américaine, Alan Blinder, ce NAIRU est « le petit secret de la macro-économie » ("the clean little secret of macroeconomics" )!

Quand même …

Il y a là quelque chose qui semble pour le moins discordant avec les discours que l'on entend tous les jours sur ce sujet qui est devenu au fil des ans, et si on en croit les sondages d'opinions (mais doit-on encore les croire?), la préoccupation majeure des français. La peur du chômage avant même la peur de l'insécurité, l'insécurité économique plus angoissante que "l'insécurité" tout court, voilà une histoire de peurs qui mérite d'en examiner d'un peu plus près les ressorts. Car les ressorts, comme chacun le sait, ça se remonte...

[1]
« La comédie des fonds de pension », de Jacques Nikonoff, Editions Arléa, Paris, 1999.

04 septembre 2005

Le Moyen Age a connu sa grande peur: celle inspirée par l'Eglise au travers du Diable. Dans le Nom de la Rose, Guillaume de Baskerville (joué par Sean Connery) nous montre comment un livre d'Aristote sur le rire devient une menace pour l'Eglise: les moines copistes qui pourraient le reproduire sont assassinés les uns après les autres. Si on rit, le Diable semble moins menaçant, et si on croit moins au Diable, on croira moins en Dieu...

Le NAIRU, le taux de chômage en dessous duquel il NE FAUT SURTOUT PAS descendre, est le Diable Moderne: le chômage qui en résulte sert avant tout, et délibérément, à faire peur aux citoyens et aux salariés. Afin de les rendre plus dociles... A chaque époque son Diable et ses formes de contrôle social. Les discours actuels sont à la culpabilisation de ces "fainéants de chômeurs", qui ne penseraient qu'à frauder le système. Et si c'était le système qui nous fraudait tous?

Ce blog est une plongée dans le plus "grand petit secret" de la macro-économie. Inconnu du grand public, jamais évoqué dans aucun débat médiatique, le NAIRU est LA clé pour comprendre le chômage actuel, en particulier son caractère massif et persistant. Qui n'est pas un fléau contre lequel tous jurent - pardon, promettent - de mener Croisade, comme nos politiques et présentateurs de JT nous le répètent à l’envi, mais un choix délibéré, réalisé au plus haut niveau. Un choix éclairé, justifié par un argument présenté comme rationnel: la lutte contre l’inflation. Mais cet argument est lourd de conséquences, dans la mesure où il est aussi un prétexte pour faire accepter sans questionnement des choses bien moins avouables. L'arbre de la lutte contre la vie chère cache la forêt du chômage de masse, de l'insécurité sociale, de la trouille de perdre son emploi. Si Croisade nous devons mener, ce n'est pas contre le chômage en lui-même mais contre ceux qui le programment et l'instrumentalisent, aux dépens et à l'insu de la majorité de la population...

A l'époque d'Internet, les blogueurs copistes ne craignent plus rien (enfin je l'espère!). Dieu merci ?

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